Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/155

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ce cordial fera réaction n’en doutez pas, et vous sauvera sans doute de quelque fièvre maligne. Maintenant, venez. Je n’ai pas de vêtements féminins à vous offrir. Il faut sécher les vôtres. Entrez là, ajouta-t-il en ouvrant une porte."

Giselle, sans hésitation, suivit le nain. Elle se trouva dans une chambre spacieuse et meublée avec une certaine recherche. Puis Lorenzo s’éloigna, revint avec un grand fagot de bois sec, le jeta tout entier dans la vaste cheminée et y mit le feu.

" Vous êtes chez vous", dit-il avec une sorte de majesté.

Et il sortit. Giselle s’enferma, et, devant la belle flambée, se mit à faire sécher ses vêtements.

"Pauvre infirme ! songeait-elle. Quand on prononçait devant moi le nom de Lorenzo et que je me sentais frissonner de terreur et de mépris, je ne savais pas qu’un jour il me sauverait. Comment le remercier ?"

Pendant ce temps, Lorenzo, assis dans son laboratoire songeait, le menton dans la main. Et voici ce qu’il songeait :

"Dans cette nuit même, à cette heure, ou tout au moins dans les heures qui vont suivre, deux êtres vont recevoir la mort que j’ai distillée. Le roi, cette nuit, sera empoisonné par Léonora. Et Giselle d’Angoulême, cette nuit, sera empoisonnée par Concini. C’est moi qui tue le roi. C’est moi qui tue cette jeune fille que je ne connais pas et qui ne m’a rien fait, à moi. Contre ces deux morts, le hasard ironique ou vengeur veut que je sauve une vie humaine. Car cette inconnue, là, c’est moi qui la sauve. Il me semble que j’en éprouve comme un soulagement ! Oh ! mais est-ce que je ne serais pas parvenu à ces moments de haine où je me croyais monté ? Est-ce que je ne hais pas l’univers entier ? La vie de cette inconnue paye la vie de Giselle d’Angoulême. Et puis après ? Allons, la voici qui rentre."

Une demi-heure écoulée, Giselle, à peu près séchée, venait, en effet, d’ouvrir la porte.

"Que désirez-vous, maintenant ? demanda-t-il en se levant. Taisez-vous. Je le vois dans vos yeux de lumière. Vous voulez vous en aller tout de suite !

— Excusez-moi, monsieur. Je suis attendue. Mon absence cause de mortelles inquiétudes à des êtres qui me sont bien chers..."

Il commençait à descendre l’escalier de bois, en hochant la tête.

"Quelque jeune dame, se disait-il, qui aura voulu courir à l’heure où l’on se cadenasse, et que des tire-laine auront dévalisée, puis jetée à l’eau... ou peut-être un amant jaloux."

"Allez, reprit-il en achevant d’ouvrir la porte de la boutique qui donnait sur le pont. Allez et, pour toute grâce, je vous demande de ne plus trembler d’horreur, comme tout à l’heure,