Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/151

Cette page n’a pas encore été corrigée

lueurs de la veilleuse suspendue au plafond par une triple chaînette d’or, voici le roi qui dort paisiblement et sourit à on ne sait quel rêve.

Le roi dort... Autour de lui, au loin, dans le Louvre, le silence est profond… Rien, aucun bruit, aucun grincement, rien ne trouble ce silence, rien, pas même cette porte qui s’ouvre tout près du chevet du lit. Et cette porte, c’est la petite porte condamnée, celle où commence le couloir dans lequel nul ne peut pénétrer, nul ne pénètre... c’est la petite porte d’amour dans laquelle soudain, s’encadre une figure de spectre.

Ce n’est pas l’amour qui vient, c’est la mort.


.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..


Léonora Galigaï, parvenue à ce point de sa terrible marche à travers le silence et les ténèbres, s’arrête un moment, suffoquée, pantelante, la main crispée sur son sein pour comprimer son cœur. Comment était-elle là ? Par où avait-elle passé ? Comment n’avait-elle pas rencontré âme vivante ? Elle ne savait pas ! Elle vacillait ; elle se soutenait au chambranle de la porte, pâle dans sa robe noire.

Cela avait duré une minute ou deux. Ce temps suffit à l’empoisonneuse pour s’accoutumer au vertige. Elle fit un mouvement, se pencha, et regarda le roi endormi.

Alors, avec des gestes précis, calculés d’avance, mais si ouatés de silence qu’ils devenaient des gestes de fantôme, elle déboucha le flacon qu’elle tenait à la main. Son bras s’allongea. Les yeux rivés sur la figure du roi, elle versa le poison dans la coupe d’or. Puis elle acheva de remplir la coupe avec la boisson contenue dans l’amphore.

Alors elle referma la petite porte... Et dans l’étroit couloir, elle attendit. L’oreille collée à la porte, Léonora attendait… Quoi ? Ce n’était donc pas fini ? Qu’attendait-elle ? Non ! ce n’était pas fini ! Léonora jugeait qu’elle n’était pas au bout de sa besogne ! Léonora ne voulait pas s’en aller avant d’être sûre que c’était fini !

Elle voulait entendre le roi se soulever dans sa couche lorsqu’il s’éveillerait, comme cela lui arrivait plusieurs fois par nuit ! Elle voulait recueillir les bruits, si imperceptibles qu’ils fussent, que Louis ferait en saisissant la coupe d’or ! Elle voulait se retirer seulement quand elle pourrait se dire :

"Maintenant, il a bu ! Maintenant, il est empoisonné ! Maintenant je n’ai plus qu’à aller chez Lorenzo et lui demander la fleur qui tue ceux qui ont bu !"