plus sincère qu’il entendait fort mal le sens de cet adjectif cabalistique. Cela ne m’étonne plus, alors ! Et chacun sait du reste que M. de Richelieu est un puissant personnage.
— Bon ! il s’agit donc de dépister tout évêque, chanoine, diacre ou cardinal qui viendrait espionner mon maître. Fût-ce même notre Saint-Père ! Vous comprenez ? Sans quoi..."
Cogolin accentua ses dires par des gestes si terribles que l’aubergiste jura que bien fin serait celui qui arriverait à dénicher en son honorable maison le chevalier de Capestang. De cet entretien, il résulta que Capestang, sans s’en douter, fut gardé aussi précieusement qu’un trésor. Lureau et Cogolin, dans les journées qui suivirent, furent deux gardes du corps admirables. Cinq-Mars revint s’assurer que son adversaire n’habitait plus le Grand-Henri et Cinq-Mars s’en retourna convaincu que Capestang lui échappait. Laffemas vint un soir boire une bouteille avec maître Lureau et en fut pour sa dépense de vin et de diplomatie. Lui aussi demeura convaincu que le chevalier avait changé de logis, ce qui lui semblait naturel. Pendant ces quelques jours, le chevalier prit d’ailleurs lui-même toutes les précautions nécessaires. Il ne tenait nullement à tomber dans quelque guet-apens où il eût laissé bêtement sa peau.
Le 22 août arriva sans qu’aucune tentative eût été dirigée contre l’auberge du Grand-Henri, à par les deux reconnaissances poussées par Laffemas et Cinq-Mars. Ce jour du 22 août, Capestang l’avait attendu avec une fébrile impatience, remettant toute résolution jusqu’à l’heure où il aurait revu la pauvre démente de Meudon. C’était un bien faible espoir de trouver la trace du duc d’Angoulême et, par conséquent, de revoir sa fille… Mais il n’y a rien d’acharné à l’espoir comme un véritable amoureux.
Capestang attendit donc que la journée fût avancée assez pour qu’il arrivât à l’heure convenue ; s’étant mis en route suivi de Cogolin, qui montait son rouan, il atteignit la mystérieuse maison au moment où le soleil venait de se coucher derrière la cime des arbres. Son cœur se mit à battre lorsqu’il pénétra dans le parc abandonné et se dirigea vers le perron sur lequel il fixait un ardent regard… Et soudain, il frémit jusqu’au fond de son être. Fidèle à sa promesse, Violetta apparaissait sur le perron, toute blanche et comme poudrée d’or par les derniers rayonnements du soleil couchant.
"Oh ! murmura le chevalier, que va-t-il maintenant sortir pour moi de cette bouche qui sourit d’un si mystérieux sourire ? Est-ce le bonheur ? Est-ce l’incertitude, plus affreuse que tous les malheurs ?"
Il mit pied à terre et, s’approchant du perron, salua la gracieuse apparition d’un de ses grands gestes de noble envergure où il mettait tantôt une crânerie insolente, tantôt ce respect ému