Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/132

Cette page n’a pas encore été corrigée

au même traitement qu’un chevalier de Trémazenc de Capestang ; c’est bien cela, monsieur, vous fournirez l’alouette et moi le lard.

— C’est impossible dit Capestang. Tu es trop maigre pour cela. Tu peux donc te rassurer. Au surplus, si nos deux carcasses doivent s’amalgamer dans le pâté que mes ennemis veulent tirer de nous, à ce que tu prétends, tu dois considérer ce sort comme le plus grand honneur qui puisse t’arriver. Et, en fin de compte, si tu me romps les oreilles avec tes plaintes et que tu m’empêches de digérer en paix, je décroche la discipline..."

On se rappelle, en effet, qu’un moine avait précédemment habité cette chambre et y avait oublié sa discipline. Cogolin prit aussitôt une figure des plus fières et s’écria :

"Ah ! monsieur, c’est vrai. Il y a l’honneur. Je n’y pensais pas.

— Tu vois bien."

Cogolin se hâta de desservir la table. Puis il alla trouver le patron de l’auberge.

"Maître Lureau, lui dit-il, mon maître vous pardonne d’avoir osé révéler qu’il vous faisait l’honneur de loger ici. Vous pouvez donc retirer la marmotte dont vous avez enveloppé votre tête pour sauver vos oreilles.

— Ah ! monsieur Cogolin, dit Lureau, vous me rendez bien heureux, et si un verre de vin d’Espagne peut...

— Vous avez donc un bon cœur, interrompit Cogolin. Mon maître n’en sera que plus peiné d’avoir à vous arracher la langue...

— M’arracher la langue ? Oh ! oh ! mais il est donc enragé, votre maître ?

— Et à vous crever les yeux.

— Me crever les yeux ! Savez-vous qu’il y a des juges à Paris ?

— Oui. Et les juges diront que mon maître a bien fait de vous rendre aveugle et muet, vu qu’il est chargé par le roi, vous entendez bien, par le roi en personne, d’une mission secrète, et que tout sera manqué si, par votre faute, les ennemis du roi apprennent que M. le chevalier habite chez vous."

Maître Lureau réfléchit un moment. Puis il se frappa le front.

"J’ai compris ! s’écria-t-il mystérieusement.

— Qu’avez-vous compris, maître Lureau ?" fit Cogolin assez étonné.

L’aubergiste se pencha à l’oreille de Cogolin :

"J’ai compris pourquoi M. l’évêque de Luçon est venu rôder par ici...

— Ah ! ah !... Justement, il s’agit d’une mission touchant les intérêts épiscopaux.

— Épiscopaux ? fit l’aubergiste avec un respect d’autant