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Concini reprit tout son sang-froid. Il caressa de la main le manche de son poignard.

"Tu sauras tout en temps utile, mon bon Rinaldo, dit-il froidement. Sois tranquille. Oui, Léonora a vu le duc. Et c’est Giselle elle-même qui lui a procuré les moyens de le voir. Oui, le duc d’Angoulême est maintenant persuadé que je travaille pour lui, et par conséquent, il cesse d’être redoutable. Tiens-toi en repos. Au moment voulu, tu gagneras ton duché et ton gouvernement.

— Qu’aurai-je à faire ? haleta Rinaldo.

— T’emparer du duc d’Angoulême à l’heure où celui-ci croira qu’il n’a plus qu’à se rendre au Louvre pour y recevoir la couronne de mes mains. Est-ce que cela te va ?

— Si cela me va, trippe del papa ! rugit Rinaldo dans un rire terrible. Bataille ! Ah ! je donnerais cinq ans de ma vie pour que ce soit ce soir !"

Concini admira un instant le bravo, puis, lui frappant sur l’épaule :

"Patience, comme disait le grand Sixte ! Tu piaffes, pareil à un cheval impatient ! La lice va s’ouvrir, mon brave duc !

— Faites donc au plus tôt sonner les hérauts, sire !" répondit Rinaldo.

Concini ouvrit la porte près de laquelle il se trouvait, pour sortir, et cacher le trouble profond, la prodigieuse sensation que lui causait ce mot que pour la première fois on lui jetait à la face : « Sire !… »

"Un moment ! Je n’ai pas fini ! reprit vivement Rinaldo.

— Que veux-tu encore ?

— Monseigneur, dit Rinaldo, quand vous m’avez avoué avec cette haute franchise qui vous fait si grand, que la fille du duc d’Angoulême vous hait, je vous ai répondu : « Elle vous aimera ! »

— Eh bien ? murmura Concini en tressaillant d’un espoir insensé.

— Quand vous m’avez assuré qu’elle vous méprisait, je vous ai répondu : « Vengez-vous ! » Monseigneur, je vous apporte ce que je vous ai promis. Je vous apporte la vengeance et l’amour. Voici ce que j’ai pu obtenir de Lorenzo, le marchand d’herbes du Pont-au-Change."

Concini, d’une main tremblante, saisit le flacon que lui tendait Rinaldo et l’examina avec l’intense curiosité qu’un moribond peut mettre à étudier la potion qui va le sauver.

"Trois gouttes tous les soirs, continua Rinaldo. Dans l’eau, dans le vin, dans une tisane. Trois gouttes tous les soirs, pendant huit jours… et elle vous aimera. Lorenzo l’a dit. Lorenzo ne se trompe jamais. Lorenzo est l’héritier direct de Ruggieri. Lorenzo connaît les formules prodigieuses de la cabale. Monseigneur, je vous dis qu’elle vous aimera !