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les sentiers, il pénètre dans les taillis. Il ruisselle de sueur. Cinq-Mars a poussé jusqu’à la Pie Voleuse pour s’y rafraîchir. Et là, qu’a-t-il appris ?

C’est que celui qu’il cherche est venu se reposer là un instant ! Oui, dame Nicolette qu’il connaît, à qui il a raconté son aventure avec ce besoin d’expansion qu’on a à dix-huit ans, dame Nicolette lui a assuré qu’elle a vu le chevalier de Capestang, et que celui-ci est rentré sous bois dans la direction de Paris ! Et Cinq-Mars n’a fait qu’un bond jusqu’à son cheval. Et il galope, il ne s’aperçoit pas qu’il est suivi par deux cavaliers qui vont où il va, courent quand il court, s’arrêtent quand il s’arrête...

Et ces deux-là s’appellent le duc de Richelieu et Laffemas !


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Il est onze heures. Le roi Louis XIII s’est longtemps arrêté sous le couvert d’un massif de hêtres au feuillage touffu. Là, l’esprit de ce jeune roi de quinze ans que nul n’aime, excepté peut-être son maître de la volerie, cet adolescent qui ne sait à qui confier ses amertumes, s’est mis à rêver. Une formidable rêverie. Il est lentement descendu dans l’abîme des épouvantes, escorté de spectres qui portent une plaie ou montrent un visage décomposé par le poison. Et ce sont les fantômes des rois qui l’ont précédé sur le trône. Et son imagination chancelante d’effroi, cherche, trouve, devine un crime dans la mort de tous ces rois. Une sueur d’angoisse mouille son front pâle. Et lorsque enfin il revient au sentiment de la réalité, son visage a pris une expression de résolution farouche. Ses traits se sont durcis. Dans son regard limpide jusqu’à ce jour, la lueur des défiances s’est allumée pour ne plus jamais s’éteindre... il est désormais le Louis XIII de l’histoire !

Le roi, donc, vers cette heure-là que nous signalons, s’est mis à la recherche d’Albert de Luynes, qu’il trouve enfin courant et appelant. Luynes jette un cri de joie...

"Oui, sauvé, mon brave Luynes, dit Louis que ce cri a ému.

— Sauvé ! répète Luynes, cette fois en lui-même. Je suis sauvé !..."

C’est à lui-même, en effet, à lui seul que Luynes a songé en criant : « Sauvé ! » Si le roi était mort, il sait bien ce qui l’attend. Le roi c’est sa raison d’être. C’est son espoir. C’est le rêve encore inavoué de sa fortune future. Le roi, c’est sa haine contre Concini bientôt satisfaite.