Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/107

Cette page n’a pas encore été corrigée

À cet instant, le cheval de Capestang dressa les oreilles et se mit à hennir.

"Qu’y a-t-il. Fend-l’Air ? De quoi me préviens-tu, mon brave compagnon ?"

Il achevait à peine de parler, qu’il entendit derrière lui le galop furieux, saccadé, désordonné, d’un cheval lancé ventre à terre. Il n’eut que le temps de se ranger : le cheval passa comme un éclair, avec cette allure folle, cette rigidité de la ligne suivie que prennent les chevaux emballés.

"À moi ! À moi ! cria le jeune cavalier vêtu d’un pourpoint de velours noir, qui monté sur la bête furieuse, faisait des efforts évidents et inutiles pour l’arrêter.

— Le malheureux ! murmura Capestang, il va se briser la tête contre un arbre au premier tournant ! Hop, Fend-l’Air ! Hop ! Hop !"

Déjà Fend-l’Air se ruait en bonds gigantesques, en une envolée terrible des quatre sabots ; déjà l’apocalyptique Fend-l’Air, affolé par les cris de son maître, dévorait l’espace en foulées puissantes ; la distance qui le séparait du cheval emballé diminuait ; une seconde encore, et il le touchait presque ; hop ! hop ! une superbe ruée, un bond vertigineux… et Capestang se trouva botte à botte avec le jeune inconnu.

"Courage ! Courage ! Tenez-vous ferme en selle !"

L’inconnu jeta un rapide regard sur l’homme qui, la figure flamboyante d’audace insensée, galopait éperdument à ses côtés ; tout à coup, il ne le vit plus ! Disparu, l’homme aux yeux fulgurants ! Arrêtée net, demeurée en arrière, la magnifique bête qu’il montait ! Et, dans le même instant, il vit son propre cheval à lui secouer frénétiquement la tête, il l’entendit hennir de douleur, il sentit que son allure se ralentissait ; une seconde plus tard, l’animal dompté, couvert d’écume, tremblant de tous ses membres, s’arrêtait !...

"Vous êtes sauvé, monsieur !" dit une voix.

Le gentilhomme au pourpoint noir vit alors le cavalier qui, debout sur la route, le saluait ! Par une manœuvre intrépide, dont il n’y a que deux ou trois exemples dans l’histoire de l’équitation, Capestang arrivé botte à botte avec le jeune inconnu, s’était penché en avant, avait saisi à deux mains la crinière de l’animal, s’était jeté hors de sa selle, et, tandis que Fend-l’Air s’arrêtait, s’était cramponné d’une main, pendant que de l’autre il étreignait les naseaux fumants du cheval emballé. L’inconnu sauta à terre et dit :

"Merci, monsieur. Je vous dois la vie. Je ne l’oublierai pas."

Mais Capestang ne l’écoutait pas. Il ouvrait des deux mains la bouche du cheval qu’il venait d’arrêter par la plus téméraire des voltiges. Il flairait, il aspirait l’âcre parfum qui s’échappait de cette bouche avec des volutes de vapeur tiède.

"Mais, monsieur, fit-il enfin, votre cheval était ivre. Vous lui avez fait