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de Marion ou bien s’il prendrait la route de Meudon pour essayer de rattraper Capestang et le percer d’outre en outre. Ce dernier parti l’emporta et Cinq-Mars, piquant des deux, s’élança à fond de train dans la direction de Meudon.

Cogolin rentra furieux dans l’auberge et cria dans le nez de maître Lureau épouvanté :

"Votre compte est bon, à vous ! Malgré vos promesses, vous avez dit que le chevalier de Capestang habite dans votre méchante auberge. Vous pouvez faire votre deuil de vos oreilles. Car mon maître, lui, n’a qu’une parole, et son premier soin, en rentrant, sera de vous les couper !"

Lureau jeta un cri de miséricorde et courut à sa chambre où il s’enveloppa la tête d’un large foulard qui cachait entièrement ses oreilles.


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Cogolin avait menti en assurant que Capestang était parti pour toujours, après l’avoir battu. Mais il était exact que le chevalier avait quitté le Grand-Henri de très bonne heure. À ce moment-là, il trottait doucement sur la route de Meudon. N’ayant pu réussir à pénétrer la veille dans l’hôtel du duc d’Angoulême pour le prévenir de ce que Concini tramait contre lui, le chevalier s’était promis de pousser une pointe jusqu’à l’endroit où il avait eu le bonheur de sauver Giselle des mains du maréchal.

Capestang cheminait donc, et, au moment où nous le rejoignons, s’adressait de violents reproches :

"Qu’avais-je besoin de céder à cette enragée diablesse qui m’est venue relancer hier soir ? Il est vrai que ma tête battait la campagne et mon cœur la chamade, autant qu’il m’en souvienne. Enfin, elle est partie. Bon voyage. Pauvre Marion ! Jolie, spirituelle, pétillante, capiteuse... hum ! trop capiteuse ! Puisse-t-elle rencontrer la fortune que, comme moi, elle est venue chercher à Paris ! Au fait, pourquoi ma tête battait-elle la campagne ? Pourquoi avais-je envie de pleurer, tel un jeune veau ? Le vin, corbacque ! c’était le vin de M. de Cinq-Mars ! Et pourquoi étais-je triste ? Pourquoi le suis-je encore ? Pourquoi mon cœur bat-il encore la chamade ?"

Il poussa un profond soupir.

"Fille de prince, petite-fille d’un roi, qu’est-ce qu’elle peut être pour moi ? Allons donc, Capestang ! oserais-tu lever les yeux sur la fille de monseigneur le duc d’Angoulême, qui peut-être demain sera roi de France ? Tout ce que tu peux faire, c’est, vienne l’occasion, de mourir pour elle !"