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et tenez, voici maître Lureau, patron de cette hôtellerie, qui n’a pas son pareil pour le pâté d’alouettes, et qui vous dira comme moi."

Maître Lureau, qui venait d’apparaître sur le perron, opina du bonnet.

"Cet homme a dit la vérité", affirma-t-il de ce ton mélancolique qui lui était particulier et qu’il devait au désespoir où le plongeait sa calvitie.

Cinq-Mars demeura atterré. Il baissa la tête et frémit de rage.

"Si vous cherchez le chevalier de Capestang, continua Lureau, vous le trouverez à Meudon. C’est là qu’il s’est rendu, car il m’a demandé certains renseignements qui..."

Cogolin foudroya du regard l’aubergiste, qui jugea prudent de regagner ses cuisines.

"Ecoute, reprit alors Cinq-Mars, une femme, une jeune fille est venue trouver ton maître, hier. Je sais qu’elle a passé la nuit ici. Dis-moi la vérité. Est-elle partie avec le sire de Capestang ?

— Je vois où le bât vous blesse, mon gentilhomme, ceci soit dit sans vouloir vous comparer à un âne, Dieu m’en préserve ! Je serai d’autant plus franc que M. le chevalier, après m’avoir injurié, battu comme plâtre, gratifié de je ne sais combien de soufflets, ce déloyal chevalier, donc...

— Tiens, mon ami, prends encore ces deux pistoles !

— Merci, monsieur ! fit Cogolin en s’essuyant les yeux. Ce sacripant, donc, car c’est un vrai sacripant, est parti sans me payer. Et il m’a annoncé qu’il ne remettrait plus les pieds à Paris. Je ne suis donc tenu à aucun ménagement, et vous dirai tout net que la jeune fille en question est sortie d’ici bien avant le chevalier, et que je doute fort qu’elle le veuille rejoindre.

— Ainsi, le sire de Capestang est parti en disant qu’il ne reviendrait plus ?

— Oui, monsieur, et me voici sans maître.

— Viens me trouver à l’hôtellerie des Trois-Monarques demain matin, je te prends à mon service. (Cogolin s’inclina en accent circonflexe jusqu’aux genoux du marquis.) Et tu dis que cette jeune fille est partie de son côté ?

— Par là !" fit Cogolin, en étendant la main dans la direction de la rue de Tournon.

À ce moment, ses yeux tombèrent sur deux cavaliers qui arrêtés près de la porte charretière et penchés sur leurs montures, paraissaient écouter cette conversation. Cinq-Mars déjà tournait le dos à Cogolin et se dirigeait vers son cheval. Cogolin se précipita pour lui tenir l’étrier et il vit les deux cavaliers s’éloigner au trot vers la route de Meudon. Ces cavaliers, c’étaient Richelieu et Laffemas !

Lorsque le marquis fut en selle, il balança un moment s’il tournerait vers la rue de Tournon et s’il irait se jeter aux pieds