se vit plus ; à la longue on s’oublia, et je vous avoue que, tout à l’heure, j’ai dû lire deux fois sa signature pour me rappeler cette enfantine amitié et ce pauvre Joseph Maviel. Pensez donc, vingt-cinq ans ! Ces vingt-cinq années-là ont amené bien de l’imprévu dans nos deux destinées, mais c’est pour Maviel surtout qu’elles ont eu d’étranges complications. Il me raconte qu’étant en station à la Martinique, logé dans une mince habitation de bois, il fut une nuit réveillé par le feu.
« Le feu, m’écrit-il, le grand fléau de notre divin pays ; le feu qu’on dirait latent dans l’air torride et toujours prêt à jaillir, avait pris à notre petite maison de planches et j’allais brûler, ou plutôt, je me mourais à demi déjà dans la fumée, quand la porte s’ouvrit et qu’une petite mulâtresse, servante dans la maison, entra en m’appelant désespérément : « Monsieur Maviel ! Monsieur Maviel ! » Je n’eus garde de répondre, asphyxié plus qu’à moitié ; j’étais inerte ; je me sentis vaguement prendre dans ses petits bras nerveux, faits aux fardeaux : « Accrochez-vous, accrochez-vous », me disait-elle…
« Une heure après, je me rendis compte que je lui devais d’être sauf. Nous étions passablement