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L’ADOPTION

Le grand Louis, l’apprenti serrurier dans l’atelier de son père, en bas, et qui ne disait jamais grand chose, l’appuya, malgré sa timidité, et comme emporté par un sentiment violent de la justice :

— Ça, c’est vrai, Grand-Mère, on ne peut plus se passer de vous !

— Chic ! dit le gros Claude, vous resterez tout le temps avec nous !

— Vive Grand’Mère qui restera toujours avec nous ! cria Sabine.

Et il n’y eut pas jusqu’à la petite Blanchette qui n’acclama aussi par un : « Vive Grand’Mère ! » la désespérée que, trois mois auparavant, sa grande sœur avait sauvée du froid linceul de la Seine.

Ainsi s’était faite, non sans un semblant d’apparat, ni sans une certaine solennité des cœurs émus — par acclamations, en quelque sorte — l’adoption de la Grand’Mère à qui, par une discrétion touchante, et qu’on n’aurait pas trouvée chez les riches, à l’esprit trop farci de prudence, on n’avait même pas demandé son nom.

— Il me semble que je l’ai toujours connue, disait le serrurier.

L’unique objet de discussions entre elle et Marie demeurait le travail. De ces deux femmes, la vieille et la jeune, c’était à qui en ferait le plus. À la longue, Grand’Mère obtint que Marie restât un peu au lit, le matin. Pour elle, malgré ses soixante-huit ans — la seule confidence qu’elle eût faite aux Cervier avait été de leur livrer son âge — bâtie comme un cheval avec une ossature puissante, une colonne vertébrale sans fléchissements, la tête haute, les membres souples, elle semblait se jouer du travail manuel, défier toutes les fatigues.

Cependant une curiosité inquiète, irritante, tous les jours excitée et en même temps inassouvie, dévorait les autres habitants de l’impasse à l’endroit de la vieille qui vivait chez les Cervier. Le filet au bras, les ménagères des logements voisins s’en allant aux provisions, le matin, arrêtaient Sabine, Claude et Blanchette qui se rendaient à l’École, les questionnaient insidieusement.