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GRAND’MÈRE

— Ça ne fait rien, c’est profond !

Enfin, une tête apparut à la croisée du second, au-dessus de l’atelier. Une forte femme brune ordonna d’une voix puissante :

— Ninette ! vas-tu descendre de là !

C’était la femme du maçon. La fenêtre se referma. Maintenant Ninette détalait en rond dans la cour de toute la vitesse de ses longues pattes d’araignée. Personne ne pouvait l’attraper.

Là-haut, à l’étage des Cervier, le ronronnement mécanique de la machine à coudre s’enflait avec une sorte de frénésie sous le pied de la douce Marie enragée de finir, ce soir, jusqu’au dernier ourlet, cette robe dont elle ne devait avoir de paix qu’elle ne vît la pauvre femme revêtue.

— Alors, avait dit celle-ci, laissez-moi préparer votre dîner.

— Si vous voulez, avait acquiescé la femme de Jean avec cette simplicité qu’on a entre ouvriers.

C’est ainsi qu’à cette heure, debout devant une corbeille de légumes éclatante de couleurs si diverses. — rouge des carottes, blanc argenté du poireau qui se fond si délicieusement en ce vert frais des lances charnues, irisation des gros oignons, pâleur des navets et des raves — droite, sans autre mouvement que celui de sa main qui pèle, coupe ou gratte, absorbée dans son éternel silence, la vieille poursuit sa tâche sans qu’on puisse savoir ce qui se passe sous ce front plein de mystère. À chaque instant, prise d’une curiosité incoercible, Marie quitte des yeux l’ouvrage glissant sous l’aiguille automatique pour observer l’inconnue qu’elle voit de dos, presque immobile, prenant dans la corbeille tantôt une carotte, tantôt un navet. « À quoi pense-t-elle ? se demande la mère de famille dont la vie si claire est si ouverte à tous. Qui est-elle ? D’où vient-elle ? Nous ignorons jusqu’à son nom. Pourquoi voulait-elle se faire mourir ?

C’était étrange ce silence entre deux femmes seules dans le même logis et qui se partageaient la besogne avec un air de si bonne amitié. La Dame faisait la cuisine maintenant. On sentait l’oignon roussi et l’on