compagne que toi, toi dont la société est pour moi un délice !
— Tu dis cela, mais je t’assure que j’y ai bien réfléchi, la nuit, dans ma petite chambre. Tu finiras par l’épouser, la femme riche de ton milieu, il le faudra bien ! J’étais une enfant il y a trois mois. Je n’en suis plus une aujourd’hui. Mon esprit a comme poussé et grandi à côté de toi. J’ai compris que tu me laisseras, un jour. Alors, je ne veux pas être ta femme d’occasion.
— Mais moi, je t’aime trop pour me contenter de cette amitié anodine de lycéens…
Sabine se rejeta dans le coin de la voiture, s’y pelotonna instinctivement et dans ce mouvement s’aperçut qu’ils roulaient maintenant à toute vitesse dans la campagne sur une large route qui dominait la Seine. Les derniers rayons du soleil couchant irisaient encore le fleuve que les arbres dépouillés des bois, à gauche, avaient déjà pris une teinte sombre : un de ces nobles crépuscules des environs de Paris qui, parfois, en plein hiver, jouent l’été.
— Mais où me mènes-tu, Christian ?
Sabine poussa ce cri avec une sorte de terreur qui indisposa le jeune homme contre cette compagne rétive. Il répondit impérieusement :
— À une petite « hostellerie » que je sais par là, au bord de l’eau. Je veux y dîner avec toi.
— Mais tu es fou ! Et mes parents qui ne me verront pas rentrer, dans quelle inquiétude seront-ils ? Et moi, que leur dirai-je ?
— Tu leur raconteras une histoire.
— Je ne veux pas mentir à mes parents !
— Cela m’est égal. Je t’aime trop pour te laisser échapper ce soir.
— Si tu m’aimais vraiment, tu ne me demanderais pas des choses impossibles.
Et il la vit se détourner de lui en sanglotant.
Il eut le réflexe du chasseur à qui, par le hasard d’un terrier ouvert dans la garenne, le gibier échappe tout à coup. Il se voyait acculé à brutaliser cette petite fille ou à céder. Il ne pouvait que céder. Mais ce fut dans une sorte de rage qu’en pleine vitesse, sans même