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d’elle à cause du fracas des omnibus et des camions ; elle y donnait des consultations à vingt sous. Mais Artout, son ancien maître, qui la protégeait, la recommandait à certaines clientes riches. Il appréciait la précision de sa mémoire, sa docilité à l’enseignement qu’elle tenait de lui, l’application qu’elle en faisait scrupuleusement, presque mécaniquement. Il l’avait coulée dans un moule dont elle ne s’évaderait pas, et, pour cette raison, il reversait sur elle un peu de la confiance qu’il avait en lui-même, — ce qui ne l’empêchait pas de dire, entre confrères : « Jeanne Adeline, ah ! oui, elle m’assiste quelquefois dans mes opérations… C’est mon bras gauche ! »

Et Guéméné, qui entendait encore le bruit de sa bottine se perdre vers les étages inférieurs, pensa dans une grande tristesse :

« L’idéal de Thérèse !… »

Puis il sonna. L’appartement, lorsqu’on lui ouvrit, s’offrait obscur comme un sépulcre. La chambra de madame Guéméné se trouvait au fond du vestibule. Sur la pointe du pied, il entra.

Deux candélabres d’argent, garnis de bougies, brasillaient sur une table voisine du lit. La morte, avec ses fins doigts de cire croisés sur un crucifix, en était illuminée. Des vapeurs de phénol flottaient dans l’air. Au chevet, immobile dans un fauteuil, le dos tourné à la porte, un homme veillait. Il ne bougea point pour voir qui entrait, mais Fernand reconnut le veuf et eut, pour la première fois, la