— Penses-tu ! fait Minerbe, sérieusement indigné. C’est ma mère.
— Comme elle est jeune ! dit Nida.
Minerbe reprend seulement :
— Elle est veuve. Elle n’a que moi.
Alors on contemple cette femme qui ne possède plus dans la vie qu’un bien unique, ce caporal de dix-huit ans que la mort taquine et harcèle, qu’un miracle seul peut sauver. Mais Nida, dans le creux de sa main, tient aussi un portrait.
— Voici ma fiancée, dit-il orgueilleusement.
C’est une belle fille blonde, forte, superbement bâtie. Il explique :
— Elle est comme moi, marinière sur les chalands ; elle habite la Seine entre Rouen et Paris. Elle a des cheveux si dorés que le matin, sur le pont, quand le soleil les éclaire, on dirait qu’elle flambe. Elle peut tenir la barre comme un homme ; et un jour, elle a sauvé en nageant deux petits garçons qui se noyaient.
Il ajoute — car la vie de Nida est un roman, comme les livres qu’il dévore :