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moi aussi en pensant à cet enfant qui va venir, qui nous continuera dans la vie, qui sera, je l’espère, quelque chose de bien, digne de ma famille et de la tienne. Mais vois-tu, Denis, j’aurais aimé que ce petit être attende encore une année avant de venir faire obstacle à ma carrière. Peut-être que dans un an j’aurais eu mon avancement. Avec ce gosse, on ne sait jamais toutes les entraves, tous les contretemps qui peuvent survenir. Il me fera perdre certainement beaucoup d’avantages dans mes notes. Mon dossier n’y gagnera pas, sois-en sûr. Je sais bien ce qui est arrivé à ma collègue Duval, du 4e bureau, depuis qu’elle à eu ses jumelles — des petites filles délicates, difficiles à élever, — et qu’on l’a vue se mettre à fournir un travail irrégulier, haché, insuffisant. Pour un rien, elle téléphonait le matin qu’elle ne pourrait venir que l’après-midi. Oh ! ses chefs étaient très gentils. Ils riaient. Ils disaient que c’était très bien d’avoir des jumeaux, que toutes les femmes devraient en avoir deux couples. Mais ils grognaient la minute suivante contre ses dossiers en retard, des notes égarées, l’irrégularité de son travail. En fait, Duval, qui étant jeune fille, ici, partait pour un avancement rapide, en est toujours au même échelon aujourd’hui. J’ai peur que la même histoire ne me guette… même si je n’ai pas deux jumeaux !

Rousselière écoutait sans répondre ce réquisitoire déguisé contre le petit enfant dont la seule évocation le rendait pareil à un « Ravi » de sa Provence. Il était un peu triste que Geneviève ne ressemblât pas aux autres Jeunes femmes, à Denise Charleman par exemple dont le bonheur d’avoir bientôt un bébé éclatait à tous les yeux. Celle-là ne redoutait pas la concurrence que son enfant ferait à ses ambitions. Ses ambitions ! pauvre petite Denise si