Mais en arrivant en vue de la maison des Braspartz, elle fut rappelée à la réalité :
— Te souviens-tu, lui disait Denis, de notre première rencontre au thé de la rue de Rivoli ? Je t’aimais bien alors. Pourtant qu’était-ce auprès de mon sentiment d’aujourd’hui où tu es devenue — et chaque jour davantage-cette chose sacrée : ma femme !
Ces mots passionnés qui peut-être en un autre moment, eussent fait bondir son cœur donnèrent à cette fière créature un point d’angoisse. C’était comme si Denis eût dit : « Tu n’es qu’à moi. Ma femme et rien d’autre. Le reste ne compte plus. Tu m’appartiens corps et âme. » Elle eut un demi-sourire forcé auquel le mari se méprit…
Quelques minutes plus tard elle était assiégée, assaillie par la bienvenue tapageuse de ses quatre frères qui l’entouraient avant même qu’elle ait pu embrasser son père et sa mère :
— Je suis reçu à mon examen. — Il y a un gigot ce soir, tu sais, ma vieille ! — J’ai failli me faire écraser cet après-midi contre le Palais de Madagascar à l’Exposition, tant il y avait foule. Je tirais déjà la langue ! Je suis troisième sur trente et un en math…
Et les baisers sonnaient sur ses joues. Elle passait de bras en bras sans pouvoir atteindre ses parents.
— Laissez-moi respirer, les gosses ! Voyons, un peu de calme !
Elle riait. Toute bousculée qu’elle fût par un tel accueil, l’atmosphère de la maison la reprenait. Elle se délectait aux sollicitudes maternelles : « Pas trop de travail au bureau ? Pas trop fatiguée, ma petite fille ? », au bon sourire des yeux bleus sous les sourcils broussailleux de son père, pendant que Denis tombait à son tour aux mains de ses