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ne pouvait se hausser jusqu’à l’enthousiasme. Son compliment était mesuré, un peu froid.

— Voyons, ma chère Geneviève, disait la mère de Denis, faites honneur à ma pissaladière. Il me semble que la pâte en est assez réussie et que la purée d’anchois n’a pas trop mauvais goût…

— C’est excellent, ma mère, mais j’en ai déjà repris.

Pour Denis, au contraire, c’était comme un reflet de l’atmosphère natale qui eût dardé sur lui. Il était joyeux, bavard, étincelant. La verve moussait en lui pour donner, comme à un conte de Daudet, du piquant et une folle bonne humeur au moindre potin du bureau qu’il disait avec sa pointe d’accent. L’après-midi se passait à fumer dans le minuscule salon de la veuve du poète, en rappelant les bonnes histoires de la tante de Sisteron ou du grand-père de Castellane, ou celle de la Farandole de Faïence.

Vers cinq heures, le ménage reprenait la due de Montmartre pour finir la journée chez les Braspartz avec cette fidélité à la famille que rien ne peut déloger du cœur des Français.

Alors, Denis ressaisissait le bras de sa femme pour faire le trajet à pied comme un bon et salutaire exercice.

Un de ces soirs où ils grimpaient à la Butte par un vent frais du début d’octobre, il lui posa enfin une question qui le démangeait depuis plusieurs semaines :

— On dirait que tu n’apprécies pas beaucoup les délicieux déjeuners de ma mère. Est-ce vrai ? Geneviève était incapable de la moindre dissimulation.

— Écoute, chéri, je sais combien tu aimes ta mère, lui dit-elle en hésitant un peu. Je ne voudrais pas la juger devant toi surtout au sujet de