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l’on aurait pu déchiffrer quelques jolis vers griffonnés. Pour les succès de carrière, il saurait se contenter de ceux de sa femme. Et il regarda l’heure au cadran qui régissait et asservissait les onze personnes tapant ou écrivant dans la grande pièce. Encore trois heures et il rejoindrait Geneviève. Il savait maintenant ce qu’il lui dirait.

Et l’heure sonnée, en effet, dès qu’il eut repris dans la rue le bras de sa femme, il ne put tenir sa langue :

— Tu ne sais pas, chérie ? On m’a annoncé une bonne nouvelle. Notre chef de bureau change de Direction. Il passe, dit-on, à la quatrième. Le sous-chef va peut-être prendre son fauteuil. C’est un vieux qui attend son avancement depuis douze ans ! Il l’a bien mérité. Qui sait si tu ne le remplaceras pas à ton tour ?

Geneviève rougit de plaisir, sourit à son mari dont elle oubliait du coup l’offense, balbutia, un peu troublée :

— Comment ! Comment ! Mais mon chéri, ce n’est pas possible ! Pense à tous ceux qui ont plus d’ancienneté que moi ! Un an de tableau à côté de pauvres types qui attendent depuis des années ! Véritablement et tu me sais sincère — je trouve que ce ne serait pas juste.

— C’est toujours juste, reprit le mari un peu courtisan, dès lors qu’une valeur est récompensée.

Geneviève buvait le compliment comme un lait mêlé de miel et d’essence capiteuse. L’avancement qu’elle désirait si fort, car son zèle s’appuyait sur une solide pointe d’orgueil, comptait peu à côté de l’estime et de l’admiration de son jeune mari. Et c’était justement ce qu’elle lui avait un peu reproché jusqu’ici, de ne pas reconnaître assez ouvertement sa valeur professionnelle, ses qualités