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herbes », des parfums venus de « là-bas » : safran, cannelle, zestes de citron et d’orange, angélique, fenouil, cependant que le jeune mari reprenait toute sa verve pour évoquer devant sa mère le pays celtique, le vert sombre de ses paysages, le gris si doux de ses clochers à jour…

Après le repas, ils s’installèrent dans le salon.

— Nous ne vous dérangeons pas, ma mère ? demanda la bru à Mme Rousselière, interloquée de voir cette jeune bureaucrate s’emparer d’un ouvrage de broderie — un tapis aux couleurs vives qu’elle achevait pour la salle à manger.

— Vous savez donc tout faire ! s’exclama la belle-mère, négligeant même de répondre qu’au lieu de la déranger, on l’arrangeait délicieusement ! Quelque chose de rigide, une résistance comme métallique au sacrifice qu’on lui imposait de son enfant fléchit soudain chez elle. Dans un éclair elle venait, ayant perdu son fils, d’adopter le bonheur de celui-ci comme un rejeton, un orphelin de son propre bonheur défunt. On la vit sourire en contemplant le couple de cette jeune femme tirant l’aiguille et du jeune mari câlin qui caressait jusqu’à la robe bien aimée. Elle commençait à prendre goût à ce festin qu’est le bonheur de ceux qu’on aime plus que soi.

Elle ne fut laissée seule que le soir — et rassérénée.

Alors ce fut le tour de la rue du Mont-Cenis. Ici, le petit drame sentimental fut d’une trame moins ténue, moins douloureuse, moins sombre. On n’y voyait pas de cœur meurtri par une chute dans la solitude complète. Un peu de bonheur disparaissait seulement. Une lumière s’éteignait dans la maison. Il y ferait moins clair. Mais on y entendrait toujours le vacarme des garnements, et l’on y verrait toujours de vieux époux s’épauler