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sine qu’elle entendait Ninette y fredonner déjà.

Le second jour, les nouveaux mariés devaient déjeuner chez la mère de Denis et dîner chez les Braspartz.

La veuve du félibre fut payée d’un mois bien mélancolique où elle n’avait pas eu le courage de quitter son foyer dévasté, lorsqu’elle vit arriver tout frémissant d’une jubilation qui valait bien le sacrifice du bonheur maternel, et dans sa fierté de jeune mari vainqueur, celui pour lequel vingt années elle avait uniquement vécu. Il lui dit en la prenant dans ses bras :

— Et ces belles fleurs ! Vous nous avez comblés, ma chérie !

— Vous avez compris que c’était moi ? À quoi, mon garçon ?

— Au parfum, dit Denis, les yeux un peu plus humides que de coutume.

Et il se détourna vers la fenêtre pour qu’on ne vît pas que la solitude de sa mère venait de lui apparaître, et qu’il souffrait un peu oh ! très peu, mais cependant sensiblement de son terrible bonheur à lui.

Geneviève ne laissait pas inaperçu le sacrifice de cette femme qui lui avait abandonné son enfant. Mais elle était trop heureuse pour le ressentir cruellement. « Après tout, se disait cet esprit rationnel, c’est la loi universelle. L’homme abandonnera son père et sa mère… Ma belle-mère est gentille. Nous l’inviterons souvent. Nous irons la voir. Elle ne s’ennuiera pas de son fils. D’ailleurs c’est entendu avec Denis. Je le suivrai en tout là-dessus. Même si cela me coûte quelque-fois un peu et dussé-je frustrer à l’occasion mes propres parents. » Et elle se disait ces choses en savourant le petit déjeuner fin préparé par la veuve du poète, avec des épices, « de bonnes