que notre amour eût son grand berceau, son point de départ dans ma Provence. Je sais un certain petit village perché avec sa ronde de cyprès et la tour carrée de son église sur la fine pointe d’un cône rocailleux, à cent mètres du ruban de la route. Il date du temps où l’on bâtissait haut par crainte des Sarrazins. Une poésie là dedans, chérie, ah ! tu ne doutes pas !
— Elle n’est pas belle, ma Bretagne, renchérissait Geneviève comme en s’excitant ; elle n’est pas belle ? Répète-le encore, Méridional obstiné !
— Je ne regrette rien. Et tu m’aurais entraîné en voyage de noces à Bécon-les-Bruyères que j’aurais trouvé Bécon-les-Bruyères le plus beau pays du monde, et que je n’aurais rien envié d’autre puisque j’ai à moi désormais la femme chérie, l’unique, à qui personne ne ressemble et qui répand comme une nuée lumineuse autour d’elle sur tout ce qui l’environne, qui dore tout ce qu’elle approche.
— Cher Denis, tu es un amour de me dire ces jolies choses. Tu es le fils d’un poète. Cela se voit bien. Moi, je ne sais pas. Nous autres Bretons, nous ne pouvons pas très bien nous exprimer. Il faut, vois-tu, que tu apprennes à lire en moi tout ce que je ne dis pas.
— Et que voudrais-tu me dire ?
— Que le sentiment que j’éprouve pour toi est immense. Qu’il m’anime toute. Qu’il m’étouffe parfois un peu car je ne sais pas l’extérioriser. Tu le devineras, n’est-ce pas, cher Denis ?
Denis se sentait inondé de bonheur. La vie intérieure de Geneviève entrait en lui, le pénétrait. Elle se traduisait presque par cette nature sévère aux couleurs sombres, aux chemins durs et pierreux où les charrettes des paysans, en allant chercher les ajoncs coupés, avaient laissé depuis l’hiver