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son mari. Elle ne fut donc pas surprise de se trouver devant Rousselière. « Comme c’est gentil d’être monté ! » dit-elle en serrant ses mains. Elle avait toujours son auréole de fée autour d’un visage à peine pâli ; mais comme dans un miracle, son affreuse timidité d’autrefois avait été remplacée par une douce placidité, une simplicité, une aisance éclose en elle, tardivement née de sa première éducation mondaine. Rousselière fut charmé de n’avoir plus à hésiter devant elle comme devant un pauvre petit animal sauvage pris au piège. Elle parla de Geneviève. « Ainsi, c’est après-demain que vous épousez Mlle Braspartz. Vous avez de la chance, savez-vous ! C’est quelqu’un de rare, d’élevé, d’exquis. Ah ! son prestige là-bas sur les dactylos ! Nous raffolions d’elle. Nous aurions voulu copier son allure, sa belle démarche, sa prestance. Le cas exceptionnel que les chefs faisaient d’elle nous inspirait à son égard une sorte de culte. J’en ai connu qui singeaient sa façon d’être, espérant lui ressembler… Mais je bavarde et il faut que j’aille ajouter une assiette au couvert, car vous allez dîner avec nous.

Là-dessus, 11 y eut les petites et affectueuses luttes d’usage. L’ami, attendu chez lui, brûlant d’ailleurs d’accepter l’invitation, la refusait tout d’abord, crainte d’encombrer l’autre ami. L’autre ami insistant à son tour avec tant de sincérité que l’invité faiblissait, se défendait moins fort, cédait enfin avec une joie impossible à cacher. Sur quoi Denise Charleman disparaissait vers la cuisine pour improviser un plat d’œufs et fouetter un peu de crème en vue du dessert.

Rousselière demeuré seul avec Charleman, pensa tout haut :

— Toi aussi, tu as de la chance. Un peu plus que moi sur ce point des retours à la maison où ta