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inconnu. Plus que la femme dont l’imagination meuble suivant ses désirs les perspectives de cet avenir, il en fait surgir les éventualités redoutables, les malheurs tapis dans l’ombre. Ainsi se demandait-il impitoyablement si Geneviève l’aimerait toujours. Si leur amour ne rencontrerait pas en elle un rival terrible dans l’ambition. Si lui-même, le fils du poète, indolent et, fantaisiste, « mauvais » en rédaction administrative, ne se trouverait pas en danger de jalouser une épouse si bien douée, à l’avancement rapide. Il entrevoyait un rôle un peu ridicule. Il serait le mari de « Braspartz… »

— Viens, lui avait dit Charleman. C’est ton dernier jour de liberté et nous t’aurons à nous seuls. Les chaînes vont venir. Oh ! tu sais, vieux, on les aime drôlement ces chaînes-là. Elles sont des caresses sur nos épaules. Elles collent à nous comme notre chemise. Tout ce que l’on a donné de soi, de sa personnalité, de son indépendance, de son caprice, de sa fière solitude à l’être qu’on chérit vous revient sous une forme magnifique et vous enrichit. Il n’y a que les amitiés qui y perdent un peu. Et encore ! Ainsi tu ne peux croire comme je suis heureux de t’amener ce soir à Denise. Tu la verras un peu lasse et souffrante, Comment, je ne te l’avais pas dit ? Mais oui, mon cher, un bébé pour le commencement de l’année prochaine, C’est curieux l’impression que vous donne dès maintenant cet être nouveau qu’on a appelé à la vie. J’imagine déjà ce gosse qui va venir, que ma chère petite Denise va me donner. Ça, c’est une chaîne aussi entre femme et mari, tu sais !

Ils arrivaient boulevard des Invalides. Ce fut Denise qui leur ouvrit la porte : elle les avait vus venir, épiant du balcon de sa chambre le retour de