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son théâtre et qu’ils pouvaient mieux la rêver en meublant celui-ci. Geneviève se fit donner le guéridon en bois des îles un peu écorniflé par les garnements quand ils progressaient par sauts périlleux dans le salon de la rue du Mont-Cenis. Denis eut la stèle de chêne et le buste du félibre Rousselière qui la couronnait. Après le bureau, ils filaient là-bas, déballaient les envois du marchand de meubles que la concierge avait fait monter dans la journée. Quelquefois, Geneviève, de lassitude, s’arrêtait :

— Je suis trop heureuse, Denis. Il me semble que je vais en mourir.

— Mais non, chérie, vous allez en vivre, au contraire.

Alors, ils allaient se blottir dans un large fauteuil encore parsemé des débris d’emballage, face au soleil couchant, dans le studio ; et ils se tenaient les propos légers et incohérents de l’amour.

Quand tout fut prêt, Geneviève sentit une folle joie — si grave et profond que fût son esprit — à la pensée de vivre dans un logis aussi ravissant où il n’était pas une chaise, pas un bibelot qui ne lui plût parfaitement. Elle le dit à Denis qui objecta :

— C’est un peu lourd pour notre budget.

— Voyons, avec ce que nous gagnons tous les deux, ce semblant de luxe nous est permis !

— Mais si, par une circonstance imprévue, vous deviez quitter votre poste ?

— Vous pensez que je me ferais, à l’occasion, mettre à la porte du bureau ? demanda-t-elle en éclatant de rire.

— Ce n’est pas d’une telle histoire que je parle. Mais, votre santé… les enfants…

— Taisez-vous, monsieur ! ordonna-t-elle, péremptoire. Je vous ai dit une fois pour toutes que