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des garnements, comme disait Mme Braspartz, fut reconstituée dans son état primitif de salon : les lits drapés comme des sofas et le beau tapis marocain meublant la pièce, avec le grand guéridon du milieu en bois des îles, rapporté sous Louis XVI par un ancêtre Braspartz, officier de la Marine royale.

Quand la veuve du félibre, accompagnée du fiancé et jouant son rôle un peu comme une comédie, avec toute sa verve et tout son cœur ivre de joie maternelle, pénétra dans cette belle pièce où les quatre garçons figés en tuyaux d’orgue se présentaient comme à une revue militaire, où les parents, avec ce quant-à-soi breton sans raideur mais sans laisser-aller, livraient leur bonhomie simple et touchante, elle réalisa soudain la grandeur, la qualité d’une alliance qui se noue entre deux familles du vieux terroir français où l’on sent l’honneur et la netteté. Les Braspartz faisaient « province » beaucoup plus qu’elle, la souple Provençale devenue vite Parisienne. Mais on devinait le granit de leurs âmes, quelque chose d’incorruptible, de pur, d’inattaquable, comme leurs rochers. Étourdiment, Mme Rousselière se mit à parler du beau temps qu’il faisait à Paris ce printemps-là. Ce fut la plus timide, c’est-à-dire Mme Braspartz, qui remit la conversation sur sa vraie voie. Elle disait toujours ce qu’il fallait. Et tout en lançant un regard sévère à Marc, le lycéen, qui grattait de ses talons les moulures de sa chaise en étouffant un fou rire, elle prononçait :

— Nous sommes très honorés, mon mari et moi du choix que monsieur votre fils a fait de notre grande Geneviève. Elle nous parlait souvent de lui, le soir, après le bureau, comme d’un collègue bien aimable. Nous étions loin de nous douter que la sympathie de ces deux jeunes gens les conduirait