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croyante et sûre. De l’autre se tenaient les grands industriels déchus, parents de Denise : là, les hommes restaient fringants et le menton dressé en dépit de leurs petits emplois actuels de courtiers de commerce ou de démarcheurs de banque ; et les femmes savaient toujours porter leurs fourrures et leurs bijoux sauvés de l’adjudication.

Au bénitier, en entrant, Denis Rousselière, levant les yeux, se trouva devant Geneviève qu’il n’avait pas vue entrer. Dès que ces deux-là se retrouvaient aux abords du Ministère ou dans les couloirs du service, en dépit de la rupture formelle qui anéantissait tous les projets échangés dans la poétique soirée de la rue de Varenne, ils devenaient aussi frémissants l’un que l’autre. Le goût qu’ils avaient l’un pour l’autre, leur admiration réciproque, cette folle estime propre à l’amour qui ne se lasse pas d’admirer l’être choisi même dans ses défauts, s’emparait de nouveau de lui comme d’elle, Denis avait beau se dire qu’il haïssait l’orgueil de Geneviève, et Geneviève l’obstination stupide de Denis, une force aveugle unissait en secret leurs âmes. Leurs regards se fuyaient et, en même temps, eux défaillaient du désir de se presser les mains, de marcher l’un vers l’autre en écrasant tout ce qui s’opposait à l’union absolue de leurs vies. Après tout, il ne tenait qu’à eux !…

Ce jour-là, leur rencontre avait été trop soudaine pour que la raison devançât leurs réflexes. Ce fut la première fois depuis six semaines qu’ils se sourirent. Et l’échange d’un sourire est une valeur qu’on ne peut plus reprendre. À l’orgue, les harmonies du violon étaient trop douces ; dans l’église, l’atmosphère trop apaisante ; le bonheur de Charleman et de Denise trop éclatant en regard des duretés de leur renoncement. Denis, qui était un grand chrétien, offrit l’eau bénite à Geneviève,