Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/52

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui ont eu des bébés l’année dernière et qui après leur congé de convalescence ont repris leur service, mon cher. Cela n’est pas plus difficile que ça.

— Mais les bébés, alors, ils s’élèvent tout seuls ?

— Ah ! l’on trouve toujours dans les familles une grand mère, une vieille tante, une parente dévouée pour venir s’occuper du nouveau-né. Ou bien l’on choisit une domestique très experte qui s’entend aussi bien que la mère à l’élevage du nourrisson. Les choses finissent toujours par se tasser, Rousselière, voyez-vous. Il ne faut pas faire du drame à l’avance. Les femmes du ministère qui ont des enfants sont nombreuses.

— J’estime déplorable qu’une mère n’élève pas ses gosses elle-même et je vous garantis, Geneviève, que chez moi les choses se passeront normalement.

— Vous voulez dire que votre femme sacrifiera son avenir qui ne s’annonce pas mal, il me semble pour des besognes d’emmaillotage et de biberonnage dont n’importe quelle boniche peut se charger ? Eh bien ! mon cher, ne comptez pas sur moi pour un tel héroïsme maternel. Si j’ai des enfants, je les aimerai autant que n’importe quelle mère aime les siens. Je les adorerai. Mais je ne leur sacrifierai pas sottement ma carrière — ce qui serait mal discerner leur intérêt, d’ailleurs.

Rousselière sentit un frisson lui courir l’échine. Son radieux bonheur d’il y a un instant arrivait à un abîme au-dessus duquel il oscillait suspendu. Il ne s’en fallait que d’un mot et tout s’anéantissait. Or, ce mot, c’était le mot d’ordre de ses convictions, de sa foi sociale, le fruit de ses méditations de jeune homme qui depuis le service militaire prépare et vit son futur foyer. D’office, l’Administration lui en avait constamment fourni le thème. Combien de jeunes mères avait-il vu disparaître un temps du