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marocain » où l’essence de la vie familiale lui était comme montée au cerveau, liqueur capiteuse. Cette joie spéciale à vivre, à s’ébattre ensemble, de plusieurs êtres issus du même sein, cette sécurité absolue, cette tiédeur de l’amour d’un père et d’une mère qui vous enveloppe, cette confiance, cette foi réciproque des frères et des sœurs, société dont aucune, hélas ! ne peut reproduire la pureté ni la chaleur, tout cela laissait en elle un souvenir si doux qu’elle ne pouvait le trahir.

— Oui, c’est de la chance, opina-t-elle, sincère avec elle-même, quoique ça soit parfois bien bruyant !

— Oh ! ce bruit ! soupira Rousselière, comme il m’a manqué souvent !

Il y eut entre ces deux êtres tout frémissants du désir de se révéler l’un à l’autre, quelques minutes de silence comme des nations entières en gardent quelquefois. Ils sentaient tous deux qu’ils allaient aborder le plus grand problème de la vie conjugale.

— Geneviève, dit enfin Rousselière, nous aurons une belle famille nous aussi, n’est-ce pas ?

Elle sourit :

— Mais j’espère, dit-elle, c’est chic une vraie famille.

Alors lui qui se sentait reprendre avantage :

— Mais dans ce cas, chérie, il vous faudra bien renoncer à votre carrière administrative !

— Et pourquoi ? Ce sera justement pour moi la nécessité de maintenir mes appointements, de les augmenter au besoin en faisant du zèle. Je sais par expérience ce que sont les dépenses d’une grande famille. Il n’en sera pas trop de nos gains réunis pour y faire face.

— Et quand nous aurons un petit enfant ?

— Je ferai comme Mme Dupont, comme Mme Collard, comme Mme Malet, nos trois sténos