Et, au ministère, où leur bureau s’excitait déjà passablement sur le roman de Denise et de Charleman, que toutes les dactylos suivaient des yeux, on commença de remarquer assez vite que Rousselière attendait Braspartz matin et soir au coin du boulevard. L’austérité bien connue de la jeune rédacteur, à laquelle on n’avait jamais pu imputer l’ombre d’un flirt, donnait beaucoup d’importance à ces rencontres quotidiennes qui annonçaient l’entente définitive de ces deux êtres d’exception.
« Tenez, tenez ! disaient une ribambelle de ces petites expéditionnaires curieuses et fureteuses en se hâtant vers leur crèmerie, à midi, les voici ! Rousselière est sur la bordure du trottoir, et Braspartz apparaît. Elle arrive sans se presser, ma petite. Elle se plaît à le faire attendre !… »
Lorsqu’ils s’étaient rejoints, souvent ils étaient si émus, si frémissants qu’ils ne savaient plus que se dire. Les confidences psychologiques dont chacun s’était flatté à l’avance de combler l’autre afin de l’édifier sur son propre compte, ne parvenaient plus à prendre forme dans leur esprit. Leurs entretiens n’étaient que bâtons rompus. Un soir, Denis déclara :
— Je voudrais que vous connaissiez ma mère…
— Ne serait-ce pas plutôt votre mère qui voudrait me connaître ? repartit malicieusement la jeune rédacteur. D’elle, la méfiance est si compréhensible à l’égard de l’intruse dont vous lui avez peut-être parlé !
Il rit, dit qu’il n’était question que de curiosité sympathique.
— Elle fait confiance à la jeune fille inconnue qu’elle sait que j’aime, dit-il. Mais moi qui suis si passionnément fier de vous — et aussi un peu fier