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fallait une scène comme celle qui se déroulait là sous ses yeux pour que son cœur bougeât et qu’elle connût la beauté spirituelle d’une telle communauté. À ce moment, Mme Braspartz, le visage rougi par les ardeurs du fourneau, entr’ouvrit la porte avec sa tranquillité coutumière ; son regard cueillit un à un chacun de ses enfants et elle dit comme toujours :

— Venez à table, mes petits.

Geneviève se sentit une écharde dans le cœur à la pensée qu’elle quitterait sans doute bientôt cette petite société, ce petit temple où s’était épanouie sa jeunesse, ces jeunes frères qu’elle avait portés, bébés, dans ses bras, qu’elle ne verrait pas devenir de jour en jour des hommes, ce père et cette mère si magnifiquement unis…

Lorsque ces sept-là furent attablés autour d’une joyeuse nappe rose inondée de lumière, Geneviève embrassa les siens d’un tel regard que Marc, en attendant la soupe, s’exclama :

— Qu’est-ce qui se passe, ma vieille branche ? On dirait que tu fais du drame.

— Mais pas du tout, répliqua-t-elle. Je pense au contraire que c’est bien bon d’être ainsi réunis autour d’un vieux papa si chic et d’une maman qui nous régale d’une si bonne cuisine.

Pendant qu’en secret elle pensait : « S’ils savaient que peut-être je les quitterai bientôt ! »

Puis on parla de l’Exposition coloniale.

Elle avait dit à Rousselière dès le lendemain de leur poétique rencontre à la pâtisserie des Tuileries :

« Il faut que nous nous connaissions mieux ; que nous causions longuement, que nous soyons sûrs de pouvoir nous entendre. »