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— Vous savez la nouvelle, Rousselière ? demanda Geneviève, les yeux rieurs, en piquant de la fourchette dans un gâteau rose.

— Non, je ne sais pas la nouvelle.

— Eh bien ! mon cher, Denise, la « fille aux cheveux de lin », la dactylo qui travaille dans mon bureau vous la connaissez bien, tout le monde la connaît ; elle vient de m’apprendre son mariage.

— Avec Charleman ?

— Avec Charleman. Vous le saviez ?

— Charleman m’avait parlé d’elle.

— Ça, reprit Geneviève, c’est une affaire !

— Pas une affaire d’argent, en tout cas !

— Je suis si contente pour Denise ! continua Geneviève. Cette pauvre gosse n’avait pas deux sous d’esprit administratif. Elle était tombée dans le bureau comme un oiseau abattu par l’orage. Mais entre nous, elle avait un bien mauvais typing.

— Charleman en est fou, reprit Denis rêveur.

Il y eut un petit silence. Quelque chose d’indéfinissable entre eux. Geneviève vit palpiter les cils de son jeune collègue sur des yeux de velours qu’elle n’avait jamais connus dans cet émoi. Elle-même ne savait au juste pourquoi l’amour de Charleman pour une dactylo la touchait si fort. Peut-être du fait que c’était Denis qui parlait de cet amour. Elle réagit contre le trouble qui les prenait tous les deux :

— Pauvre gosse ! Il était temps qu’un chevalier vînt la délivrer de cet enfer que représentait pour elle l’administration ! C’était pitié de la voir faire ses pensums ! Car, vous savez, elle va quitter le bureau.

— Cela va de soi, dit Rousselière. Charleman ne l’entendait pas autrement. Ces deux êtres-là ne vont plus vivre que l’un pour l’autre.