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timent. Au fond, je men moque de cette petite trahison. Je ne tiens pas du tout à me marier. Je suis partie pour une belle carrière. De bonne heure, je prendrai ma retraite. Je voyagerai. Je jouirai d’une seconde jeunesse… »

Le troisième jour après le conflit, elle bâtissait ainsi le schéma de son existence, lorsqu’à midi, l’heure où les dactylos coiffent leur machine de son casque puis se polissent les ongles frénétiquement, Denis Rousselière entra dans la longue galerie qui constituait le bureau. Il avait à la main un dossier-prétexte, chercha des yeux « Braspartz », parut tranquillisé de la voir encore au travail et achevant une lettre ; s’approcha, prit son air le plus administratif, l’aborda d’un air gêné :

— C’est à moi aujourd’hui de venir prendre votre avis, mademoiselle, Voyons… dans le cas où, dans une commune, un accident d’automobile a occasionné la détérioration d’un monument public, et où l’auteur et en même temps la victime de cet accident plaide que c’est le monument public, insuffisamment signalisé, qui causa le sinistre, pensez-vous que ce type-là… je veux dire que l’État. Et puis zut ! Ce n’est pas pour cela que je viens, j’aime mieux vous l’avouer. Je me moque bien de l’interprétation de cette défense. Une seule chose m’occupe et me lancine depuis l’autre jour. J’ai été odieux avec vous ; mais si, odieux, ne protestez pas. Je ne sais ce qui me le poussait à vous être désagréable.

— Vous l’avez été en effet, mais cela n’a aucune importance.

— Pour vous, peut-être. Pour moi, c’est autre chose. Je suis très malheureux, mademoiselle.

— Mais il n’y a pas de quoi, monsieur. Vous m’avez dit que je faisais du sentiment dans les