Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/31

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’elle sentait entre eux. « Je ne tiens pas du tout à me marier, disait-elle toujours. J’ai une vie agréable, intéressante et qui me suffit. » Cependant, depuis quelque temps, elle faisait à cette déclaration une restriction mentale : « Pourtant, s’il s’agissait de Rousselière… » Sans plus. Mais, à chaque fois que cette pensée lui venait, c’était comme une épingle qui fixait, qui attachait plus solidement en elle un espoir encore bien nuageux. Aujourd’hui, à sentir un tel déchirement parce que Rousselière avait été discourtois, elle pouvait mesurer combien, à son insu, cet espoir lui collait à l’âme puisqu’elle souffrait tant de toutes ces pauvres épingles arrachées d’un coup.

« Tant pis ! se disait-elle, rude comme les filles de cette génération ; tant pis pour moi. Je n’étais qu’une sotte de me laisser emporter par mon imagination comme les jeunes filles du temps de ma mère. Je ne vais pas me mettre à faire une crise de chagrin d’amour, peut-être ! »

— Après tout, cette Exposition, déclara-t-elle d’un ton dédaigneux qui échappait au sujet de sa phrase pour ne concerner plus que Denis Rousselière, ce sera peut-être bien banal…

Penses-tu ! lança le plus jeune frère. On y verra des anthropophages dévorer leurs camarades sous les yeux du public. Oui, ma chère !

De deux jours, ni dans le service, ni dans les couloirs, ni à la sortie des bureaux, Geneviève Braspartz n’aperçut Rousselière. Il l’évitait visiblement. « C’est bien fini entre nous », songeait-elle plusieurs fois dans une heure. Et, à chaque fois, c’était la pointe d’une épine au fin bout de son cœur. « Holà ! se disait-elle alors, pas de sen-