Mais Geneviève répondit le plus naturellement du monde :
— Il le faudra bien, Denis, si je lâche l’Administration.
— Tu as l’intention de lâcher l’Administration ?
De plus en plus il croyait pénétrer dans une mystification un peu cruelle qu’aurait inventée sa femme pour lui prouver par des arguments positifs, l’inanité de ce qu’il désirait suprêmement.
— Ma lettre est faite pour demander ma mise en disponibilité.
— Geneviève !!! prononça-t-il sourdement.
Son visage s’était décomposé. Son cœur battait la chamade. Avec des yeux nouveaux, des yeux béants, des yeux avides de savoir, il regardait cette grande Geneviève, cette grande Braspartz comme on disait autrefois au bureau, qui lui apparaissait soudain dans la pathétique attitude d’une Reine que l’on force d’abdiquer. Il lui semblait maintenant avoir trop demandé d’elle. Il était effrayé de ses propres exigences qu’il mesurait ce soir seulement. Ce soir, en appréciant le sacrifice accompli, il se sentait comme honteux d’avoir osé le souhaiter. Voilà donc ce qu’il avait voulu, la réduire à n’être plus que la femme de Rousselière, le Rédacteur ?
— Eh bien ! chéri, interrogea-t-elle, tu n’es pas plus satisfait que cela ?
Il ne bougeait pas, demeurait toujours comme insensible devant elle. Alors elle vit de lourdes larmes rouler sur son visage doré de Provençal. Il était incapable de dire un mot. D’un geste il pria sa femme de faire desservir, s’essuya le visage pour que la cuisinière ne vît pas l’état où il se trouvait. Et quand il fut de nouveau seul à seul avec Geneviève, il murmura sur un ton que celle-ci ne devait jamais oublier :