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le souleva dans ses bras et le regarda comme si elle le recevait pour la seconde fois. Elle lui dit mentalement :

— Cher trésor ! tu es à moi désormais !

Et Mlle Hedwige ne se douta pas qu’il s’écoulait là une seconde bien solennelle.

Il lui semblait que Denis n’arriverait jamais. Elle aurait gagé qu’il allait s’attarder chez les Charleman. Mais non. Voici qu’elle entendait l’ascenseur et le bruit si désiré de la clef dans la serrure, et un pas bien connu dans l’antichambre. Jamais une fiancée n’attendit son promis avec une telle fièvre. Toute la nouvelle partie de sa vie dans laquelle désormais elle s’élançait, s’appuyait comme sur un pivot à ces moments extraordinaires qu’elle allait vivre.

Denis rentrait un peu las, un peu recru de monotonie. Il ne sut pas lire l’extraordinaire regard dont Geneviève le caressait.

— Tu es fatigué, chéri ?

— Un peu, oui. Oh ! je ne sais pourquoi… Le temps…

Et il laissa tomber sa tête lourde sur l’épaule de sa femme. Ces minutes d’abandon ne lui étaient plus habituelles. Il s’en défendait ou n’y songeait pas. On ne sait. Il semblait toujours depuis quelques mois qu’il y eût entre eux quelque chose de commandé. Un mélange de résignation et de regret. Même à ce moment, il se redressa brusquement :

— Excuse-moi, ma chère femme, je suis un peu lâche ce soir.

— Il ne faut pas être lâche, Denis ; la vie requiert du courage.

— Je sais bien.

Il la trouvait étrange. Il ne lui connaissait pas cette fièvre secrète qui semblait la brûler, ni cette