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rare, acquise à un tel prix ! Et cela à l’heure où l’existence matérielle devient difficile. Ce serait une folie. Reste au Ministère, ma fille, reste ! »

Mais il laissa tomber justement les mots contraires :

— Ah ! Tu feras bien d’abandonner ta situation. C’est mieux pour une femme mariée d’être à la maison.

Un silence. Puis ce fut le mot inévitable :

— Vois donc ta mère !

Hélas ! Geneviève n’avait que trop vu sa mère. C’est justement ce qui la faisait frémir aujourd’hui. Les larmes lui vinrent aux yeux. Sa gorge se serra. Elle prononça en détournant un peu la tête :

— J’ai tant peur de m’ennuyer, mon vieux papa !

— Non ! affirma-t-il tranquillement, avec une divine assurance, une certitude inspirée. Une femme ne s’ennuie jamais, ma petite fille.

— Mais songe à ces appointements qui disparaîtront de notre budget.

— Ah ! ce n’est pas l’argent qui compte le plus. Ce que tu joues en ce moment est bien autre chose !

Que savait-il ? Qu’avait-il aperçu du comportement de leur jeune ménage avec ses yeux ingénus de vieil homme lucide ? Peut-être Denis s’était-il ouvert secrètement à lui : Peut-être par perspicacité, par clairvoyance, par subtilité, par divination avait-il suivi depuis trois ans le drame caché de leur ménage. Avait-il su que Denis l’aimait moins ? Qu’elle allait le perdre peut-être ? Ils devaient en parler la mère et lui, le soir, à la chandelle. Il lui faisait l’effet d’un qui en savait plus long qu’elle sur son propre compte. Mais comment tirer un commentaire de ce taciturne ?