Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/251

Cette page n’a pas encore été corrigée

série de plans du géomètre-arpenteur et de l’arpenteur-vérificateur, avec les feuilles de conclusions des experts. Qu’était devenu le temps où plus une affaire était ardue, plus elle excitait ses méninges ? Aujourd’hui cet enchevêtrement d’intérêts opposés, ceux de la commune, ceux des particuliers, ceux de l’État — dans l’espèce, les siens — lui semblait inextricable.

— Je connais bien un grand sage, se dit-elle à point nommé (et il ne s’agissait pas de terrains communaux), qui pourrait me donner l’impulsion définitive en avant ou en arrière, avant d’abandonner une piste qui me tient encore si fort. Un grand sage qui ne parle pas beaucoup mais qui ne s’est jamais trompé. C’est mon vieux papa, cette âme de navigateur tombé dans la basoche. Les gens ne connaissent en lui que la basoche. C’est l’envers de lui-même. L’endroit reste toujours cette sensibilité des marins à la vue profonde. Il pense beaucoup plus qu’il ne parle. Je l’ai vu nous regarder si souvent, Denis et moi, quand nous dînions rue du Mont-Cenis ! J’aurais tant voulu savoir ce qu’il pensait à notre sujet ! Mais voilà : comment lui arracher sa vérité ?

Une heure plus tard, elle sautait dans un taxi pour se faire conduire à l’étude paternelle dans le huitième.

Son père eut certainement un grand choc au cœur en la voyant entrer, à cause de cette crainte instinctive d’un malheur menaçant que le Breton porte en soi. Mais il l’embrassa en lui disant : « Bonjour, ma petite fille ! » aussi tranquillement que s’il eût attendu sa visite. Et quand il eut demandé les nouvelles d’usage, voyant que tout le monde se portait bien, il repartit :

— Je suis bien content, alors.

— Mon vieux papa, déclara Geneviève à ce