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sait complètement sur ses genoux et peu à peu glissait au sommeil. Lorsque, les lèvres mi-ouvertes, il cessa presque de rendre visibles les signes de respiration et que la fraîcheur de sa chair eut pris l’immobilité d’un végétal où se fût caché un immense mystère, Geneviève, avec mille précautions, se leva et l’emporta vers la chambre où Hedwige lui fit un accueil ennemi. Sans y prendre garde, elle posa son fils dans son lit. Il ouvrit les yeux, la vit, les referma dans la béatitude.

Le lendemain, elle avait été seule à table au déjeuner, Denis, depuis la mauvaise saison, retournant chez sa mère pour le repas de midi. La veuve du poète récupérait ainsi quelque peu son bien perdu. Geneviève qui, ce jour-là exigea que Pierre vint jouer avec elle au studio, dès qu’elle fut sortie de table, fit avec un demi sourire une comparaison entre les deux maternités blessées et frustrées qui se dédommageaient ainsi par des reprises individuelles.

Une certaine violence dans la joie qu’avait le petit garçon l’enchantait. Elle y décelait un des traits bien personnels du caractère de Denis, cette véhémence par exemple qu’il montrait dans le moindre de ses petits plaisirs comme dans son chagrin le plus bouleversant. Ce serait un Rousselière. Il apparaissait que le petit frère eût plus de sang breton. Elle préférait retrouver son mari qu’elle-même dans sa progéniture. Agenouillée par terre au côté de ce petit-fils de félibre, elle remontait sans se lasser le ressort intérieur d’une petite auto mécanique qui tournait ensuite en rond comme une folle pour aller immanquablement buter à tous les meubles et