Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/243

Cette page n’a pas encore été corrigée

douloureuse, bien que, par largeur d’esprit, par supériorité d’intellectuelle, par horreur du lieu commun dans le sentiment, elle se prétendît affranchie de toute jalousie sur ce point-là, désormais. Ainsi dans le même instant ses deux plus grands amours accusaient autour d’elle ce repli simultané, on eût dit concerté, qui la laissait comme entourée d’un vide vertigineux.

Il lui restait son cabinet du Contentieux, avec les roses des garçons de bureau un peu flétries maintenant dans le vase mais qu’elle avait défendu qu’on jetât, la clarté, la sérénité de cette belle pièce revêtue de boiseries claires, comme un appartement de jeune reine dans un palais, et les compliments — un peu outrés — du chef…

Un gros soupir se forma dans sa poitrine serrée d’une dramatique tristesse. Sur ses genoux son petit garçon apaisé jouait négligemment busqué derrière le quant-à-soi mystérieux d’un homme — avec les perles qui garnissaient la robe de sa mère.

— C’est très mal, Pierre, de ne pas aimer sa maman, dit-elle enfin.

— À présent, Pierre aime maman !

— Pierre aime maman parce que maman l’embrasse. Un petit garçon gentil aime sa maman même quand elle ne l’embrasse pas.

— Et un petit garçon gentil, il aime aussi Mlle Hedwige ?

C’était une question de casuistique que posait là sa petite conscience dans l’éveil même de son matin.

— Mais oui, dit Geneviève qui ne put retenir un élan de passion maternelle vers tant de fraîche lumière humaine et l’embrassa convulsivement ; un petit garçon gentil aime toujours sa gouvernante.