Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/242

Cette page n’a pas encore été corrigée

la tête avec une sorte de frénésie, comme s’il défendait son petit point de vue propre à lui, pauvre bébé brimé.

— Mamoiselle Hedwige pas méchante ! finit-il par dire à la longue, quand le doux mouvement de roulis que lui imprimait sa mère eut ensommeillé ses violences.

Mais il ajouta terriblement :

— Maman méchante. Maman plus coucher Pierre. Maman vilaine. Pierre aime plus maman !

Cette fois la grande Braspartz, l’as du Ministère, Mme Sous-Chef, comparaissait devant son plus terrible juge. Elle fut comme écrasée, réduite au silence. En somme, cette vague de reproches, soulevée dans la petite âme d’un bébé véhément, se traduisait par ceci : Tu n’existes pas entièrement pour moi. Tu es toi-même d’abord par le culte de ta personnalité. Moi, j’exige d’être tout pour toi.

— C’est exactement comme Denis, ne put-elle s’empêcher de conclure. Et lorsque le petit Jacques prendra conscience de ses désirs, de ses exigences, et si j’ai d’autres enfants, ils seront tous ainsi comme une meute autour de moi à me tracer le cercle de feu de leurs besoins, de leurs appétits, de leur avidité dont ils voudraient me faire prisonnière. Mais cependant, bien que je me sente la servante de leur bonheur à tous dont j’ai en main la responsabilité, je possède il me semble encore le droit de vivre et d’aller jusqu’au bout de moi-même !

Tout en berçant sur ses genoux l’agitation de son petit garçon, elle regarda l’heure :

— Denis est chez Denise, je suppose, se déclara-t-elle, en voyant qu’il avait encore dépassé le moment normal du retour.

C’était une imagination qui lui était toujours