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Si l’on peut appeler bonheur, pour un être, le contentement dans l’harmonie entre la vie extérieure et la vie intérieure, Geneviève Rousselière sous-chef à trente ans, mariée au plus tendre des compagnons, mère de deux petits enfants robustes et bien faits, connaissant toutes les joies de l’amour-propre, d’une robuste santé, d’une relative aisance n’était pas heureuse.

Le spectre de la faillite, la faillite d’un bonheur dont elle avait construit le rêve pour les siens, surgissait à chaque instant des événements mêmes de sa vie. Ainsi le soir, après la fermeture des bureaux, alors que l’imposant pavillon de pierres blanches et de briques roses s’était vidé de ses employés, une sorte de fatalité la retenait à son cabinet. Tantôt une conversation téléphonique avec le chef, avec les bureaux de Paris. Tantôt un appel du Directeur. Tantôt un visiteur. Et s’il faut tout dire, même lorsqu’une circonstance inopinée ne survenait pas pour la clouer à son fauteuil, une certaine langueur, une paresse formelle à quitter ces lieux qui lui plaisaient tant, l’engourdissait, lui faisait entreprendre une des besognes du lendemain sous le prétexte du zèle toujours nécessaire. Si bien que, à peu près quotidiennement, elle ne rentrait chez elle qu’après son mari, revenant lui du centre de Paris.

Alors elle trouvait Denis accoudé au balcon du studio. L’automne sévissait déjà. C’était le plein crépuscule. Les frondaisons des bois de Saint-Cloud et de Meudon, rousses et cuivrées, semblaient parcourues d’un terrible frisson. Un brouillard montait de la Seine.