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âmes si délicates un début de vie douloureux.

Il y avait peut-être un remède : toutes les jeunes filles dressées par de savants médecins à l’élevage des jeunes enfants n’avaient pas le tempérament obtus et entier de Mlle Hedwige. Les Rousselière n’avaient pas eu de chance. Il leur était alloué en partage une personne systématique, aux vues bornées. Il en était assurément de joviales, de charmantes et qui ne possédaient pas un horaire en guise de conscience. Mais n’aurait-il pas fallu changer, en même temps que la gouvernante, la nature frémissante de Pierre, ce petit-fils du félibre ? Le mal venait moins de la pauvre Hedwige, fille de bonne volonté, que des exigences de ce petit enfant passionné.

Et ici, par le rapprochement même qui s’imposait à ses yeux entre le petit garçon et Denis lui-même, Geneviève revoyait cette figure un peu dolente du jeune mari où les yeux ne pétillaient plus comme autrefois d’un soleil intérieur, et elle était bien forcée de se demander : « Et lui, est-il heureux ? Et s’il l’était vraiment irait-il chez Denise ? »

Et elle réfléchissait qu’elle-même, au Contentieux, avait plaisir à bavarder avec le jeune rédacteur qui l’avait remplacée lors de son congé et que c’était bien la dernière chose dont Denis eût pu être jaloux. Puis, là-dessus elle regarda sa montre. Il n’était que quatre heures. Elle avait le temps d’aller faire acte de présence au bureau. Elle s’habilla rapidement, et, après avoir donné des ordres à la nouvelle cuisinière, partit avec une hâte, un contentement ineffable, vers cet asile de sa vie sereine, de sa vie intellectuelle qui ne connaissait pas d’orages, pas d’embûches, pas de doutes, pas de cas de conscience terrifiants.