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qu’ayant le bonheur de t’avoir pour compagne, toi la femme la plus douée de tout le ministère, je voudrais te traiter comme n’importe qui. « Ah ! j’aurais voulu vous voir empêtré d’une pauvre créature comme moi ! » s’est-elle écriée. « Vous vous seriez copieusement embêté, mon pauvre Rousselière ! Songez à ce qu’est pour un homme la société, le commerce journalier d’une créature comme Geneviève dont on n’a jamais fini de faire le tour ! » Elle a même ajouté : « Vous ne méritiez pas votre bonheur, puisque vous ne savez pas le goûter. » Puis ensuite, elle m’a dit des choses plus profondes qu’il ne faut pas vouloir adapter toutes les modalités de la vie à sa conception du bonheur mais au contraire modifier sa conception du bonheur selon les formes de sa vie.

— Tu as pleuré, Denis, je le vois à ton visage. J’ai de la peine que tu sois allé pleurer près d’une autre femme.

— Est-ce que je pouvais pleurer près de toi, qui n’aurais pas compris ?

— J’ai beau n’être pas jalouse, te voir ouvrir ton cœur intime à la petite Mme Charleman ne peut m’être très agréable.

— Je t’offre ma sincérité, la plus grande marque d’estime et d’amour qu’un mari puisse donner à sa compagne.

Ils dînèrent en silence. La joie que Geneviève avait jusqu’ici trouvée dans la perspective de rejoindre son luxueux cabinet du Contentieux s’était éteinte. Pour la première fois depuis trois ans et demi, le désir qu’avait son mari de la voir démissionner agissait sur elle, non plus comme un caprice de celui-ci, mais comme un cas de conscience présenté par elle-même.