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passion que la crainte de le perdre déchaînait sans entraves.

Ce fut à neuf heures seulement qu’elle entendit ce grattement léger d’une clef dans la serrure qui peut être tellement ineffable quelquefois ! Elle ouvrit la porte de l’antichambre. Denis s’y défaisait de son pardessus, il avait le visage un peu défait, les paupières rougies.

— Comme tu m’as fait peur ! murmura-t-elle.

Il hésita quelques secondes, puis délibérément, pareil à quelqu’un que l’on pousse à bout :

— Tu m’excuseras. J’étais chez les Charleman.

Geneviève reçut sans rien en laisser paraître le choc de cette phrase. Depuis la terrible soirée où il lui avait avoué cette confiance un peu équivoque, cet abandon de son âme qu’il faisait à Denise, les vacances étaient survenues qui avaient émoussé dans le cœur de la jeune femme l’acuité de la banale jalousie, D’un commun accord, ces deux êtres aussi subtils et délicats l’un que l’autre s’étaient interdit de revenir sur cette pénible confession. Grande sagesse dans un pareil cas où le vrai remède est le silence. Mais voici que pour une seule phrase de Denis, toute l’amertume refoulée jaillissait de plus belle. Denis arrivait tout frémissant encore d’un entretien ou il avait porté à une femme étrangère les secrets d’un cœur qui n’appartenait qu’à elle Geneviève. Il pouvait toujours renouveler ses protestations de fidélité : « Il n’aimait que Geneviève. L’autre n’était qu’une petite fille bien raisonnable qui lui montrait sa voie lorsqu’il se sentait par trop troublé. » Geneviève n’en constatait pas moins qu’elle ne suffisait plus à sa vie intérieure. Or, pour une femme comme elle, cette restriction équivalait à une ruine de son pouvoir sur celui qu’elle aimait.

— Tu es retourné vers Denise ? dit Gene-