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sa petite table et mangeait seul sa bouillie pendant que Mlle Hedwige arrangeait Jacques au fond de son berceau.

— Je m’occuperai encore de Pierre pour la dernière fois ce soir, décréta Geneviève.

Mademoiselle fit la moue, mais elle ne protestait plus, sachant que sa revanche approchait.

Pour Geneviève, assise sur une chaise basse, le buste penché en avant, les deux bras tendus, elle lançait à son petit enfant l’appel éternel des mères. Une fraîche cascade de rires lui répondait et Pierre se précipitait à corps perdu vers ces bras en berceau qui allaient se refermer si délicieusement sur lui.

— Pauvre chéri, dit-elle en le serrant, tu ne te doutes pas que c’est la dernière fois !

Car au Contentieux sa fonction la retenait à son bureau bien après le départ des employés, et Pierre dormirait demain soir à l’heure où elle rentrerait.

Et elle le mangeait de caresses que Mlle Hedwige affectait de ne pas regarder comme s’il se fût agi de baisers coupables.

Quand il fut au lit et qu’il fallut le quitter, on vit « Mme Sous-Chef » s’en aller à reculons vers sa chambre pour voir son petit jusqu’au bout et lui faire de la main de longs « au revoir ! »

Denis n’était pas rentré.

Geneviève, tout en feuilletant les livres de Droit rapportés de Montmartre épiait, inquiète, les bruits de l’ascenseur. Quand huit heures et demie sonnèrent, elle s’accorda le droit d’être affreusement alarmée. Un accident stupide de la rue, le choc d’une motocyclette folle, la roue d’une auto, le tram qu’on veut prendre en marche et qui vous traîne, ce sont chaque jour à Paris des réalités…

— Oh ! Denis ! Denis ! soupirait-elle avec une