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êtes mariés ; lai surpris plus d’une allusion sur ses lèvres à ce sujet. Et, ma foi, je n’ai jamais trouvé qu’il eût tort ; ni toi, raison de le contrarier Sur ce point-là. Car enfin vous êtes des époux mariés seulement la nuit. C’est bien peu pour l’intimité des cœurs.

— Mais maman, nous avons nos soirées, nos bonnes soirées !

— Oh ! mes pauvres enfants ! je parierais cher qu’elles ne doivent pas être bien longues vos soirées, fatigués comme vous l’êtes tous les deux !

— Enfin, quel — danger terrible vois-tu suspendu sur notre union ?

— Mais ma chérie, simplement qu’il t’aimât moins…

Geneviève reçut un choc cruel. Immédiatement l’image de Denise Charleman s’interposa comme dans un film entre la vision de son mari et elle-même. Ah ! elle ne le savait que trop. Le danger était là. L’obsession aussi. On aurait dit que cette Mme Braspartz toute occupée des soins de sa lourde maison, le balai à la main quand ce n’étaient les casseroles, était douée d’une illumination intérieure qui lui révélait l’invisible. Ces perceptions occultes sont communes chez les âmes bretonnes en qui les pressentiments, les presciences, les prémonitions abondent. Mordue aussitôt par la curiosité, le besoin d’éclairer son soupçon, la jeune femme s’écria, feignant le défi :

— Tu crois qu’il aurait cessé de m’aimer, lui, Denis ? Allons donc !

— Ma fille, je ne crois rien. Je crains seulement. Il ne faut pas se fier aux eaux dormantes.

Geneviève respira. Mme Braspartz avait parlé dans l’abstrait. Il n’était pas question de Denise. Sa mère n’avait rien deviné de précis !