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a raison, j’ai été faible avec mon petit. J’ai cédé à un entraînement de l’instinct. C’est lui qui en souffre aujourd’hui.

Mais cette réflexion, elle ne la confia pas à son mari, sachant trop bien ce qu’il aurait objecté.

Son tout petit garçon la connaissait à peine. Un jour qu’elle eut le caprice, en dépit de Mademoiselle, de lui donner son biberon, il fit une scène et le refusa. Pierre ne laissa pas la chose inaperçue. Scandalisé, il mit son petit doigt en l’air :

— Jacques méchant ! Jacques vilain ! Pierre pas vilain. Aime maman !

Alors le cœur de Geneviève fondait. Cette mère sevrée s’emparait de son trésor méconnu, serrait son tout-petit sur sa poitrine, lui disant ces douceurs qui viennent toutes seules aux lèvres des femmes.

Mais quand arrivait le soir et que Mlle Hedwige s’enfermait dans la chambre voisine pour le petit repas de Pierre et le coucher des deux bébés, la mère qui lisait auprès de son mari aux dernières lueurs de la fenêtre laissait tomber le livre quand elle entendait la voix de son enfant qui disait de l’autre côté de la cloison :

— Maman ! Maman ! Pierre veut maman ! Maman coucher Pierre !

Tout l’être physique de la jeune femme, dans un élan, sous un ressort bondissait à cet appel. Mais elle se dominait. « Je ne suis pas, se disait-elle, sous la dépendance d’un mouvement irréfléchi de la nature. Si je cède ici à Pierre, lui-même en pâtira le jour où j’aurai repris mon service. C’est à moi de décider si je le sacrifierai à mon plaisir, à mon désir d’un jour, de quelques jours de vacances… »

Et puis un soir, elle faiblit à l’appel de son petit enfant. L’instinct vainquit ses raisonnements…