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Et comme pour prendre un engagement plus solennel, elle se tourna vers Denis avec ce mot de femme du peuple française qui surprenait sur les lèvres de Mme Sous-Chef :

— N’est-ce pas, papa ?

Le mari sursauta légèrement, comme arraché à une somnolence :

— Mais oui, certainement, ce seront toujours deux bonnes semaines gagnées sur le sort,

Il eut peur d’en avoir, pour si peu, encore trop dit ; il interrogea le visage de Geneviève : elle ne montrait aucun courroux.

Tant que dura la présente lunaison, ils eurent de belles journées, partaient ainsi tous les trois dès le déjeuner, allaient goûter dans une autre « hostellerie » à trois ou quatre kilomètres de là, avec Pierre tantôt aux bras de Geneviève, tantôt à califourchon sur les épaules de Denis, tantôt trottinant sur les bas-côtés de la grand route sylvestre empestée d’odeur d’essence, envahie par la ruée des voitures, assourdissante des cascades de klaksons. On prenait le thé dans une salle de verdure, sous de vieux hêtres au feuillage de mousseline d’avant le grand Roi. Pierre sidérait ses parents par chaque nouvelle expression de ses sentiments, de ses petites pensées courtes mais aiguës. Ainsi, quand il se trouvait béat, en train de boire une tasse de lait devant une table habillée d’une nappe rose, s’interrompait-il pour dire avec une pointe d’anxiété :

— Mademoiselle va pas venir, non ?

Ou bien :

— Pierre partira avec maman ? Pas rester tout seul ici ?

Denis bourrait une pipe, se renversait au dossier du fauteuil rustique et, lançant de petites auréoles de fumée vers la voûte verte :