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meil. Elle est méchante, Mademoiselle ? A-t-elle fait du mal à Pierre ? A-t-elle fait pan-pan ?

— Non, pas pan-pan. Pierre aime pas Mademoiselle.

On n’eût pas mieux défini une antipathie irraisonnée !

Geneviève éprouva, à cette confidence sans détour de son petit garçon une contrariété visible. En réalité, il existait entre elle et son mari un procès clandestin, mais terrible, où lui était le demandeur et elle la défenderesse. L’une des têtes du procès se trouvait justement le cas de leurs enfants confiés sans cesse à des nourrices étrangères. Elle attendait que Denis éclatât là-dessus. Mais il avait déjà porté bien des coups sur ce point qu’il avait regrettés ensuite. Cet homme, plein de sensibilités diverses, gardait surtout au fond de lui la crainte de perdre totalement l’amour de sa femme. Il serrait les lèvres pour que n’en sortît pas un mot malheureux.

— Pierre aime maman ! continuait avec une conviction bien masculine le petit homme, comme pour jeter une chaîne subtile à celle dont il s’emparait à cette minute avec l’instinct de la reprendre pour toujours, de l’accaparer…

Ces chaînes étaient, au fond délicieuses à la jeune mère orgueilleuse. C’était la première fois que son petit garçon — qui chaque jour à cet âge acquérait de nouveaux moyens d’expression — prenait conscience de nouveaux sentiments, lui faisait une confidence, lui laissait voir son cœur puéril.

Elle eut un petit rire guttural très doux, comme un chant de tourterelle, lui donna un baiser vorace :

— Tous les jours, tant que nous serons ici, mon petit trésor, tu te promèneras ainsi avec ta maman, comme aujourd’hui !